Le Grand Est devient terrain d’expérimentation pour une innovation du BTP qui puise son inspiration dans la nature : le liant bas-carbone BioCiTer. Développée par NGE en partenariat avec Bioxegy, cette solution vise à remplacer la chaux vive dans le traitement des sols et la stabilisation, en réduisant significativement l’empreinte carbone des chantiers.
Une idée née du biomimétisme : comment les termites ont inspiré BioCiTer
Les chercheurs se sont intéressés à la manière dont certaines espèces de termites consolident la terre à partir d’assemblages biologiques complexes. Transposé au génie civil, ce principe a conduit à la formulation d’un liant composé de fibres végétales, d’un biopolymère et d’enzymes. Le produit, commercialisé sous le nom de BioCiTer, s’appuie sur des mécanismes biochimiques et physiques pour stabiliser les sols sans recourir à la cuisson à haute température caractéristique de la production de chaux vive.
Des essais concrets en Grand Est
Début octobre 2025, NGE a mené un essai in situ sur une parcelle d’environ 150 m² située à Coin‑lès‑Cuvry (Moselle). Le protocole reproduisait les séquences usuelles d’un chantier de terrassement : épandage du liant, malaxage mécanique, compactage et contrôles de portance. Les équipes ont indiqué que la mise en oeuvre n’exigeait pas d’équipement spécifique, les engins habituels de chantier étant suffisants pour obtenir les performances attendues.
Chiffres-clés de l’expérimentation
- Surface testée : 150 m² (essai pilote en conditions réelles).
- Réduction d’émissions annoncée : jusqu’à 70 % comparé au traitement classique à la chaux vive.
- Dosages rapportés : entre 0,5 % et 3 % du liant selon la nature du sol (données issues des premiers essais).
Pourquoi cette solution peut bouleverser certains usages du BTP
Trois enjeux principaux rendent l’innovation particulièrement intéressante pour les maîtres d’ouvrage et les entreprises :
- Décabornation : la production et l’utilisation de chaux vive sont fortement émissives. Une baisse potentielle de 70 % des émissions pour un même traitement du sol représente un gain climatique majeur pour des filières très consommatrices.
- Sécurité et conditions de travail : la moindre pulvérulence et l’absence d’émissions gazeuses associées à la cuisson réduisent les risques sanitaires sur les chantiers.
- Compatibilité opérationnelle : la possibilité d’utiliser les matériels actuels sans investissements massifs facilite l’adoption en routine.
Acteurs et stratégie : NGE, Bioxegy et la trajectoire industrielle
NGE, groupe de travaux publics engagé sur la décarbonation de ses activités, porte le projet au sein de ses chantiers régionaux. Le partenaire technologique Bioxegy assure la formulation et la montée en échelle industrielle. Ensemble, ils envisagent un déploiement national à condition d’obtenir des validations techniques, réglementaires et l’acceptation des maîtres d’ouvrage.
Sur le plan stratégique, NGE évoque des objectifs de réduction d’émissions par rapport à 2025, avec des ambitions chiffrées dans sa trajectoire de décarbonation (référence à des cibles internes autour de quelques centaines de kg eqCO₂ par k€ de chiffre d’affaires à l’horizon 2030).
Retour d’expérience et limites détectées
Les retours techniques des premiers essais signalent plusieurs points favorables : tenue mécanique satisfaisante après compactage, diminution de la poussière et comportement proche de la chaux au plan d’assise. Cependant, des interrogations subsistent :
- Durabilité à long terme : les performances sur 5 à 10 ans restent à confirmer par des suivis terrain prolongés.
- Variabilité des sols : certains sols argileux ou organiques peuvent nécessiter des ajustements de formulation et de dosage.
- Approvisionnement : la montée en échelle impose une chaîne d’approvisionnement pour les composants biosourcés et enzyme, non encore industrialisée à grande échelle.
Contexte réglementaire et acceptabilité marché
L’adoption généralisée d’alternatives à la chaux dépendra de plusieurs leviers :
- homologations nationales et normes relatives aux liants et aux traitements de sols ;
- acceptation par les maîtres d’ouvrage publics et privés, qui pèsent une large part de la demande dans les travaux publics ;
- intégration dans les cahiers des charges et classifications qui gouvernent les appels d’offres publics.
Des initiatives publiques visant la décarbonation du secteur (stratégies bas-carbone, marchés publics verts) peuvent accélérer la prise en compte de solutions innovantes comme BioCiTer.
Retombées régionales : emploi, compétitivité et filières locales
Pour la région Grand Est, l’émergence de liants biosourcés peut générer :
- des opportunités industrielles locales pour la production des composants (fibres végétales, adjuvants enzymatiques) ;
- la création d’emplois spécialisés dans la logistique et l’application ;
- un avantage compétitif pour les entreprises régionales si elles intègrent tôt ces techniques sur leurs chantiers.
Réactions et reconnaissance sectorielle
Le projet a reçu une visibilité importante dans la presse économique et les médias spécialisés. Il a également obtenu une distinction lors des Trophées des Travaux Publics 2024, illustrant l’intérêt de la profession pour les innovations de décarbonation. Pour approfondir le sujet, consultez l’article du Républicain Lorrain présentant l’expérimentation et le dossier technique publié par Le Journal des Entreprises sur l’essai en Moselle.
Perspectives économiques : coûts, gains et modalité de déploiement
Le principal argument économique porté par les promoteurs est la réduction de la dépendance à la chaux vive, dont le prix et l’empreinte énergétique sont sensibles aux cours de l’énergie. Les gains potentiels sont :
- réduction des coûts externes liés aux émissions et à la conformité environnementale ;
- potentiel d’économies opérationnelles grâce à une manutention simplifiée (moins de poussières) ;
- valorisation possible dans les marchés publics favorisant les offres bas-carbone.
Cependant, le coût unitaire du liant BioCiTer à l’échelle industrielle reste à confirmer : il dépendra de la fabrication des composants biosourcés et des économies d’échelle. Un déploiement progressif, priorisant les chantiers sensibles aux exigences environnementales, apparaît comme la voie la plus réaliste dans les 24 à 36 prochains mois.
Ce que cela change pour un directeur industriel
Pour un décideur industriel dans le Grand Est, l’intérêt opérationnel est double : réduire l’empreinte carbone des chantiers et anticiper les évolutions réglementaires et marchés. Tester la solution sur des opérations pilotes permet d’évaluer les gains en coût global, en conformité et en acceptabilité par les clients.
Sources et lectures complémentaires
Pour approfondir :
- dossier de Planète Bâtiment sur BioCiTer (description technique et enjeux).
- présentation par Batijournal (contexte marché).
- rubrique Médias de NGE (engagements et trajectoire de décarbonation du groupe).
- page des Trophées des Travaux Publics (récompense et visibilité sectorielle).
Un chantier d’avenir pour le Grand Est
L’expérimentation de BioCiTer dans le Grand Est montre que le biomimétisme commence à franchir le pas de la recherche vers la mise en oeuvre industrielle dans le BTP. Si les tests à plus grande échelle confirment les promesses techniques et économiques, les acteurs régionaux pourront capter des marchés différenciés, réduire l’impact climatique des infrastructures et créer des synergies industrielles autour d’une filière de liants biosourcés.
Reste à observer les prochains mois : validation normatives, retours de chantiers élargis et structuration de la chaîne d’approvisionnement. Pour les directeurs industriels, il est déjà pertinent d’intégrer BioCiTer et des alternatives bas-carbone dans les feuilles de route R&D et les programmes pilotes, afin d’anticiper un marché des travaux publics en mutation.






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