Expropriation terres agricoles Allier : des propriétaires de Domérat ont choisi de refuser les offres d’achat pour des parcelles visées par la création de la ZAC Châteaugay II. Ce refus place ces exploitants et propriétaires face au risque d’une procédure d’expropriation si la collectivité obtient la déclaration d’utilité publique (DUP). Le dossier cristallise un conflit fréquent : comment concilier besoin de foncier industriel et préservation des terres agricoles ?
Ce qui s’est passé — calendrier et acteurs
La Montluçon Communauté a porté le projet de création/extension de la zone d’activités dite Châteaugay II, située sur la commune de Domérat (Allier). Une enquête publique conjointe (procédure de DUP et volet parcellaire) s’est tenue du 6 au 22 octobre 2025. Plusieurs propriétaires contactés par la presse locale ont déclaré refuser la cession de leurs parcelles. Ces oppositions ont été reprises dans un reportage régional et dans des avis de publicité liés à l’enquête.
La collectivité motive le projet par la nécessité d’offrir des emprises industrielles et artisanales, et la ZAC est présentée comme un pôle mixte favorable aux implantations et à l’emploi local. À défaut d’accord amiable pour l’achat du foncier, la voie retenue peut être la DUP suivie, le cas échéant, d’une procédure d’expropriation.
Le cadre juridique : comment fonctionne une DUP et l’expropriation
La DUP (Déclaration d’utilité publique) est la clé administrative qui permet à une collectivité d’engager l’expropriation pour cause d’utilité publique. Après l’enquête publique, le commissaire-enquêteur remet un rapport au préfet, qui dispose d’un mois pour en prendre connaissance puis pour décider de la suite. Si la DUP est prononcée et que l’arrêté de cessibilité est pris, l’expropriant (ici la collectivité) dispose des moyens juridiques pour poursuivre des acquisitions forcées à défaut d’accord amiable.
En cas d’absence d’accord, la procédure judiciaire de l’expropriation passe par le juge de l’expropriation, qui peut ordonner l’expropriation et fixer les indemnités. Les propriétaires disposent de recours : contentieux contre la légalité de la DUP, contestation du tracé ou de l’utilité publique, et contestation du montant des indemnisations. Les contentieux peuvent durer plusieurs mois à années selon les voies choisies.
Indemnisation : à quoi peuvent s’attendre les propriétaires ?
Le principe est l’indemnisation intégrale de la valeur du bien exproprié, complétée éventuellement par des indemnités pour préjudice lié au changement d’affectation. Le montant est déterminé par expertise et peut faire l’objet d’un règlement amiable ou d’une fixation par le juge. Les propriétaires risques d’obtenir une compensation monétaire, mais leur refus s’appuie souvent sur des enjeux non financiers : qualité agronomique des sols, valeur patrimoniale, attachement familial, et perspectives agricoles locales.
Enjeux locaux : agriculture, emploi et artificialisation des sols
Le dossier illustre un arbitrage incarné entre deux priorités publiques récurrentes : d’un côté, la nécessité pour les territoires de proposer du foncier économique pour attirer ou maintenir des activités (et donc des emplois) ; de l’autre, la volonté nationale et locale de protéger le foncier agricole et de limiter l’artificialisation des sols (débat ZAN).
Montluçon Communauté avance des arguments économiques : création d’emplois directs et indirects, dynamisation du tissu industriel local, et sécurisation de surfaces d’implantation (la collectivité communique sur des capacités d’accueil et des plans de commercialisation des parcelles). Les opposants rappellent que la perte de terres agricoles peut fragiliser des exploitations déjà soumises aux évolutions de marché et au morcellement foncier.
Chiffres et territorialisation
La ZAC Châteaugay I & II est présentée sur les supports officiels comme un pôle d’implantation de plusieurs dizaines d’hectares. Dans la communication locale, la surface globale des deux phases est indiquée autour d’environ 81 hectares (chiffre diffusé par la collectivité pour le positionnement commercial de la zone). Ces surfaces, bien que modestes à l’échelle nationale, sont significatives pour une commune comme Domérat et pour l’agglomération de Montluçon.
Voix des propriétaires : motifs du refus
Les propriétaires opposés à la vente invoquent plusieurs motifs :
- Qualité agronomique des sols et productivité ;
- Valeur patrimoniale et histoire familiale des parcelles ;
- Insatisfaction vis-à-vis des montants proposés ou méfiance vis-à-vis d’une valorisation future ;
- Principes environnementaux : préservation d’espaces non urbanisés et réticence face à l’artificialisation.
Certains propriétaires affirment privilégier la conservation de la continuité de l’exploitation, ou souhaitent un projet alternant développement économique et maintien d’espaces agricoles. D’autres se disent prêts à négocier mais refusent les conditions proposées.
Que dit la collectivité ?
La Montluçon Communauté plaide pour l’intérêt général du projet : améliorer l’attractivité industrielle, répondre à des demandes d’implantation, et structurer l’offre foncière sur le territoire. La collectivité rappelle les procédures de concertation et l’obligation d’enquête publique. Elle indique également que la DUP n’entraîne pas automatiquement l’expropriation : la priorité reste la négociation amiable. Cependant, la collectivité argue qu’elle doit sécuriser juridiquement l’opération pour la rendre accessible aux porteurs de projet.
Recours et stratégies possibles pour les propriétaires
Face à une procédure de DUP/expropriation, plusieurs voies sont possibles :
- Recours contre la DUP (annulation pour vice de procédure ou défaut d’utilité publique) ;
- Négociation amiable avec recherche d’une meilleure évaluation des indemnisations (expertises contradictoires) ;
- Recours devant le juge de l’expropriation pour contester le montant proposé si l’ordonnance est prise ;
- Mobilisation citoyenne et médiatique pour faire évoluer le projet ou obtenir des concessions (compensation écologique, parcelles de remplacement, retranchement de certaines parcelles du périmètre).
Rôle des études d’impact et des garanties
Les études d’impact et les prescriptions environnementales sont déterminantes. Elles peuvent imposer des mesures de compensation écologique, des protections de sols ou des aménagements limitant l’empreinte foncière. Les propriétaires et associations peuvent s’appuyer sur ces documents pour argumenter ou obtenir des ajustements du projet.
Contexte national : ZAN et pression sur le foncier
Le débat s’inscrit dans un contexte national de volonté de réduire l’artificialisation des sols (politique ZAN), alors que de nombreuses collectivités cherchent à créer des réserves foncières pour relancer l’industrie locale. Cette tension est devenue fréquente dans les zones périurbaines et rurales en reconversion industrielle, où la disponibilité du foncier est un levier majeur de compétitivité.
Les arbitrages locaux sont d’autant plus sensibles que les dimensions économique, environnementale et sociale se croisent. La question posée à Domérat est un exemple concret de ces dilemmes territoriaux.
Ressources et documents officiels
Pour suivre le dossier et consulter les documents de procédure, plusieurs sources publiques sont utiles :
- Présentation des zones d’activités par Montluçon Communauté
- Avis d’enquête publique et documents du dossier (JAL / Notre-Territoire)
- Reportage France 3 régions (article de référence)
Impacts économiques et sociaux pour le territoire
Si le projet aboutit et si la commercialisation des parcelles est efficace, la collectivité table sur des créations d’emplois indirectes via l’implantation d’entreprises artisanales et industrielles. À l’inverse, un conflit long et des contentieux peuvent retarder les opérations et peser sur l’attractivité du territoire.
Le coût politique est réel : une expropriation perçue comme injuste peut provoquer un fort ressentiment dans le monde agricole local et nuire aux relations entre la collectivité et les exploitants. À l’inverse, des solutions conciliantes (compensations, réserves, mise en place d’une gouvernance territoriale) peuvent apaiser les tensions.
Perspectives et options locales
Plusieurs pistes peuvent être explorées pour sortir du blocage : ajuster le périmètre de la ZAC, proposer des montants d’achat revus à la hausse, offrir des mesures de compensation agricole (parcelle de substitution, soutien à la modernisation), ou favoriser des formes d’implantation moins consommatrices d’espace (parc d’activités verticalisé, friches industrielles requalifiées).
La suite immédiate dépendra du rapport du commissaire-enquêteur et de la décision préfectorale quant à la DUP. Si la DUP est prononcée, les propriétaires devront décider de la voie de contestation. Si la DUP est rejetée ou modifiée, le projet pourra être révisé.
À suivre
Le cas de Domérat montre combien la question du foncier reste au cœur des politiques économiques locales. L’enjeu est double : garantir des conditions d’implantation pour les entreprises tout en préservant le potentiel agricole. Les décisions prises dans les semaines et mois à venir, tant administratives que juridiques, détermineront la trajectoire du dossier et seront surtout déterminantes pour les propriétaires concernés.






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