fret ferroviaire Bretagne : la Région débloque 64 millions d’euros pour relancer une filière affaiblie et massifier les transports de marchandises par rail. Ce plan, inscrit dans le cadre du CPER 2023-2027, combine réhabilitation d’axes locaux, soutien aux terminaux intermodaux et actions pour reconnecter les ports majeurs. L’objectif affiché est ambitieux : multiplier par six le volume annuel transporté en Bretagne d’ici 2050, en passant d’environ 1,2 million de tonnes aujourd’hui à près de 9 millions de tonnes.
Pourquoi relancer le fret ferroviaire en Bretagne ?
La Bretagne présente une part modale routière très élevée : la part modale ferroviaire régionale est estimée à seulement 1,4 %, contre environ 9 % au plan national. Cette faiblesse pèse sur la compétitivité des filières locales (agroalimentaire, matériaux, industrie), augmente les coûts logistiques et accroît les émissions de CO2. La Région considère le ferroviaire comme un levier de décarbonation et de résilience des chaînes d’approvisionnement.
La répartition de l’enveloppe de 64 M€
Le plan régional de 64 M€ se décline en plusieurs lignes d’action prioritaires :
- 40 M€ pour la remise en état de lignes capillaires et de desserte fine, ciblant notamment des axes comme Auray–Saint‑Gérand et des segments autour de Vitré pour un total d’environ 77 km à réhabiliter.
- 15 M€ pour le renforcement et la massification du Chantier de Transport Combiné (CTC) de Rennes, afin d’accroître les rotations et la capacité de trains « route‑rail ».
- 6 M€ dédiés à la reconnexion des ports de Brest et Lorient au réseau ferroviaire pour recréer des offres mer+fer compétitives.
- 2 M€ pour la remise en service et l’entretien d’Installations Terminales Embranchées (ITE), aujourd’hui au nombre d’environ 70 en Bretagne mais moins d’une vingtaine actives.
- 1 M€ pour une étude de gouvernance et la création possible d’un Opérateur Ferroviaire de Proximité (OFP) régional.
Travaux d’infrastructure et bénéfices attendus
La réhabilitation des 77 km annoncés vise à porter la vitesse commerciale, la fiabilité et la capacité des axes secondaires. Concrètement, le plan finance la remise à niveau des rails, du ballast, des appareils de voie et la modernisation des systèmes de signalisation sur certains tronçons. Ces interventions devraient permettre : une réduction des ruptures de charge, une meilleure ponctualité des sillons et une diminution des coûts d’exploitation pour les opérateurs.
Impact chiffré
Selon l’étude régionale, une amélioration de la desserte fine peut augmenter la clientèle ferroviaire locale de 30 à 50 % sur les corridors traités, et réduire jusqu’à 15 % des coûts logistiques pour certains chargeurs industriels qui mutualisent leurs flux.
Le rôle du Chantier de Transport Combiné (CTC) de Rennes
Le soutien de 15 M€ au CTC de Rennes vise à accroître la fréquence des rotations, à accueillir des trains longue distance et à améliorer l’infrastructure terminale pour le traitement des semi‑remorques et conteneurs. Le CTC est présenté comme un point névralgique pour organiser la massification des flux en Bretagne, notamment pour les liaisons vers le Nord‑Est et les plateformes logistiques nationales.
Le développement du CTC suppose aussi la coordination avec des opérateurs privés et des chargeurs. Des acteurs comme Rennes Terminal sont déjà identifiés pour accompagner l’exploitation.
Reconnecter les ports : Brest et Lorient
La part « mer+fer » est un volet stratégique du plan. Les 6 M€ consacrés visent à retrouver des correspondances efficaces entre hinterland ferroviaires et terminaux portuaires, pour capter des trafics de conteneurs, vracs et matières premières. La reconnexion portuaire peut générer des transferts significatifs de trafic depuis la route, notamment pour les importations de matériaux et certains flux industriels.
La Région souligne que la recomposition des offres portuaires et ferroviaires est une condition nécessaire pour attirer des navettes maritimes et des opérateurs logistiques sur la façade bretonne.
Installations terminales embranchées et logistique locale
Les ITE (installations terminales embranchées) jouent un rôle clé pour assurer la desserte « dernier kilomètre » ferroviaire. La Bretagne compte environ 70 ITE, mais seulement 14 sont actuellement actives. Les 2 M€ prévus permettront de remettre en état plusieurs plateformes, de financer des raccordements et d’inciter les industriels à réutiliser le rail pour leurs approvisionnements.
Gouvernance, opérateur local et coordination
La Région prévoit une enveloppe pour étudier la mise en place d’une gouvernance régionale du fret, susceptible d’intégrer l’État, SNCF Réseau, les collectivités et les chargeurs. L’idée d’un Opérateur Ferroviaire de Proximité (OFP) est avancée pour faciliter la coordination des sillons, proposer des offres packagées et lever les barrières commerciales rencontrées par les PME locales.
Pourquoi un OFP ?
Un OFP pourrait réduire les coûts de transaction, améliorer la réservation des sillons, et offrir des solutions clé en main aux chargeurs. Plusieurs régions européennes ont déjà déployé ce type d’opérateur avec des résultats positifs sur la relance du trafic.
Financement et calendrier
Les 64 M€ s’inscrivent dans le CPER 2023‑2027 et combinent des apports Région / État / SNCF Réseau. La Région évoque par ailleurs un horizon d’investissements élargi jusqu’en 2040, avec un besoin total estimé à près de 200 M€ pour atteindre les objectifs de massification et de couverture du territoire.
Les premières opérations de réhabilitation devraient démarrer dès 2025, avec des chantiers échelonnés selon la priorité des lignes et la disponibilité des crédits. Le calendrier prévoit des mensualités d’exécution sur 3 à 5 ans pour les principaux travaux.
Réactions des acteurs locaux et enjeux
Les autorités portuaires et plusieurs chargeurs saluent l’effort financier, tout en rappelant que la réussite dépendra d’une double condition : la massification des flux et la compétitivité économique des offres rail par rapport à la route. Les opérateurs logistiques insistent sur la nécessité d’un pilotage fin des sillons et d’incitations pour les entreprises à basculer progressivement vers le rail.
Plusieurs organisations professionnelles demandent aussi des mesures complémentaires, comme des aides au transbordement, des tarifs incitatifs sur certains corridors et des actions de formation pour le recrutement d’agents roulants et manutentionnaires.
Perspectives régionales et impacts économiques
Si le plan atteint ses objectifs, les retombées attendues sont multiples : réduction des émissions de CO2 liées au transport régional, baisse de la congestion routière, création ou maintien d’emplois locaux liés aux terminaux et à la maintenance ferroviaire, et amélioration de la compétitivité des filières exportatrices bretonnes.
La massification prévue vers 9 M t annuelles d’ici 2050 représenterait un basculement structurel des pratiques logistiques régionales et alignerait la Bretagne avec les objectifs nationaux de report modal.
Pour creuser le sujet
Pour consulter le dossier et les éléments d’étude publiés par la Région, voir la note technique intitulée l’étude régionale sur le fret ferroviaire en Bretagne. Un résumé journalistique présentant la ventilation des dépenses est disponible sur Bretagne Économique, et une synthèse sectorielle a été relayée par Actu‑Transport‑Logistique.
Prochaines étapes opérationnelles
Les autorités régionales doivent désormais préciser le calendrier par ligne, sélectionner les projets prioritaires et lancer les marchés publics. Le pilotage devra intégrer un suivi chiffré des volumes et des indicateurs de performance pour vérifier la progression vers la massification.
Vers quelles marges de succès ?
Le succès du plan dépendra de plusieurs facteurs : l’efficacité des chantiers d’infrastructure, la capacité à convaincre les chargeurs (industriels et portuaires) de basculer des flux, la mise en place d’une gouvernance opérationnelle et la disponibilité d’un calendrier de sillons adapté. Sans massification, même des infrastructures rénovées risquent de rester sous‑utilisées.
Élargir la réflexion : mobilité et transition écologique
Au-delà des chiffres, ce plan s’inscrit dans une stratégie plus large de décarbonation. Le ferroviaire constitue un levier tangible pour réduire les émissions liées au transport de marchandises. Sa réussite pourrait servir de modèle pour d’autres régions qui cherchent à conjuguer compétitivité économique et objectifs climatiques.
Un chantier de longue haleine mais stratégique
La mobilisation de 64 M€ marque un tournant dans les politiques publiques régionales sur le transport de marchandises. Il s’agit d’un investissement structurant qui, s’il est accompagné d’une gouvernance forte et d’actions commerciales ciblées, peut enclencher un mouvement de reconquête du rail en Bretagne. Les prochains mois seront déterminants pour traduire les annonces en opérations concrètes, et mesurer l’impact réel sur les volumes et les coûts logistiques.






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