Connexion électrique navire Le Havre : HAROPA PORT a réalisé la première mise en connexion d’un navire de croisière, le MSC Poesia, au quai Pierre Callet. Cet essai opérationnel, mené fin octobre 2025, marque une étape concrète vers la décarbonation des escales et mobilise des enjeux techniques, financiers et réglementaires pour l’ensemble des acteurs portuaires et des directions financières.
Un test opérationnel aux enjeux multiples
La connexion effective du navire au réseau à quai consiste à alimenter l’ensemble des systèmes électriques du paquebot (climatisation, cuisine, éclairage, services passagers) depuis la terre via une alimentation haute tension. Le dispositif installé au quai Pierre Callet permet une puissance de pointe jusqu’à 13 MW par prise, avec une configuration cumulée pouvant atteindre environ 30 MW une fois les trois postes de la Pointe de Floride équipés.
Ce premier branchement a été réalisé sur le MSC Poesia, navire représentatif de la flotte actuelle, afin de vérifier la fiabilité des raccordements, la gestion des pointes de consommation et l’adaptabilité aux mouvements de marée du Havre. La réussite de ce test valide des choix techniques — émergence d’un bras articulé mobile et d’un système de gestion des câbles — nécessaires dans un port caractérisé par une amplitude très importante des marées.
Chiffres clés du projet et répartition des investissements
Plusieurs chiffres permettent de situer l’ampleur du chantier :
- Capacité technique : 13 MW par point de branchement ; capacité totale annoncée ~30 MW pour les trois quais de croisière.
- Investissement global : estimé à environ 32 M€ selon les communiqués locaux — montant incluant équipements, câblages et renforcements du réseau.
- Raccordement réseau : renforcement au poste source (transformateur 40 MVA) et plus de 3 km de câbles souterrains HT pour relier les postes à la distribution ENEDIS.
- Impact environnemental : réduction escomptée de 15 000 à 20 000 tonnes de CO2 par an lorsque l’ensemble des quais sera opérationnel et utilisé régulièrement par les navires compatibles.
La répartition du financement repose sur une combinaison d’apports : HAROPA, l’État (via des dispositifs de relance), des aides régionales et des cofinanceurs publics. Les directions financières doivent désormais intégrer ces montants et anticiper les coûts d’exploitation et de maintenance des installations.
Acteurs et responsabilités techniques
La mise en œuvre technique a mobilisé des entreprises spécialisées en génie électrique et maritime. Le groupement chargé des travaux a assuré l’installation des points de branchement et la coordination avec le gestionnaire de réseau pour le raccordement HT. ENEDIS a pris en charge les travaux de renforcement jusqu’à la mise en service du transformateur dédié.
Parmi les acteurs impliqués figurent la direction portuaire de HAROPA PORT, des entreprises d’ingénierie électrique et des équipes opérationnelles des compagnies de croisière — notamment MSC Cruises pour l’essai sur le MSC Poesia. Ces partenariats illustrent la nécessité d’une gouvernance partagée entre opérateurs portuaires, gestionnaires de réseau et armateurs.
Contexte réglementaire et calendrier européen
Le développement des infrastructures de type shore power (alimentation à quai) s’inscrit dans un cadre réglementaire croissant : les textes européens sur la décarbonation du transport maritime (AFIR, FuelEU Maritime) poussent à l’accélération des équipements d’ici 2030. Les ports doivent donc concilier investissements lourds et alignement sur des obligations de service pour les armateurs.
Sur le plan national, les aides publiques et les dispositifs de relance accompagnent ces transitions. Pour les directions administratives, il s’agit de monter des dossiers de financement, d’anticiper des schémas de facturation aux compagnies et de prévoir les impacts sur la tarification portuaire et les marges opérationnelles.
Impacts opérationnels pour les directions financières et administratives
La mise en service de la connexion électrique navire Le Havre a des implications immédiates :
- Coûts d’investissement à amortir sur 10–20 ans selon les conventions comptables ;
- Coûts d’exploitation : consommation électrique, maintenance des bras articulés et systèmes de câblage ;
- Modalités tarifaires : définition d’un prix d’alimentation compétitif pour encourager l’usage par les compagnies ;
- Gestion contractuelle : accords d’accès, responsabilités en cas d’incident électrique et modalités d’interruption de fourniture.
Les directions financières des ports doivent aussi mesurer les bénéfices indirects : amélioration de la qualité de l’air (moins d’émissions locales), conformité réglementaire et attractivité renforcée pour les compagnies soucieuses de neutralité carbone, éléments stratégiques pour les dossiers de financement à long terme.
Retour d’expérience technique : marées et flexibilité
Le Havre pose des contraintes techniques fortes en raison d’une amplitude de marée pouvant dépasser 6 mètres. Pour garantir la continuité d’alimentation, le système déployé combine un bras articulé mobile et un système de gestion des câbles. Ces solutions permettent d’adapter le point de branchement au mouvement vertical du navire, sans compromettre la sécurité électrique.
Les tests réalisés sur le MSC Poesia ont permis de vérifier la robustesse du système sur des cycles d’embarquement/débarquement de passagers et sur des périodes d’arrêt prolongé. La fiabilité constatée renforce la confiance des armateurs et encourage la planification d’escales régulières utilisant le shore power.
Comparaisons régionales et trajectoire française
Le Havre rejoint d’autres ports français déjà engagés dans l’électrification des points de mouillage (Marseille, certains quais en Méditerranée). Au niveau européen, la dynamique s’accélère : de nombreux ports adaptent leurs infrastructures pour capter la demande des compagnies qui équipent leurs navires en conséquence.
Pour la Normandie et le bassin rouennais, l’impact économique se traduit par une attractivité accrue pour les escales haut de gamme et une opportunité industrielle pour les fournisseurs d’équipements (transformateurs, bras articulés, gestion d’énergie). Les directions industrielles locales peuvent ainsi valoriser des chaînes d’approvisionnement régionales autour de ces technologies.
Perspectives : montée en charge et prochaines étapes
Les prochaines étapes prévues au Havre comprennent l’équipement des quais adjacents (notamment Roger Meunier et Joannes Couvert) pour atteindre une capacité opérationnelle complète d’ici 2026. L’objectif est d’assurer une capacité suffisante pour plusieurs navires simultanés durant la haute saison croisière.
La fréquence d’utilisation par les armateurs dépendra de la généralisation de navires équipés pour le shore power et de la tarification proposée. Le calendrier réglementaire européen encourage toutefois une montée en charge rapide avant 2030, imposant une planification serrée pour les investissements additionnels.
Ressources et documentation complémentaire
Pour approfondir le sujet, plusieurs sources publiques et articles spécialisés décrivent les aspects techniques, financiers et réglementaires du projet. Voir notamment le reportage de Normandinamik sur la connexion électrique et le communiqué d’implantation lié aux travaux portuaires. Le dossier VINCI relatif au contrat de raccordement détaille quant à lui les prestations techniques mises en œuvre : communiqué VINCI Energies.
Pour le contexte réglementaire et environnemental, les publications de l’Agence de la transition écologique offrent des repères sur les bénéfices qualité de l’air et sur les politiques d’accompagnement : ressources ADEME.
Ce que doivent retenir les directeurs industriels
Le succès de la première connexion illustre trois leçons opérationnelles :
- Planification technique impérative : prévoir le renforcement réseau et l’adaptation aux contraintes locales (marées, contraintes spatiales).
- Montage financier partagé : mutualiser coûts et aides publiques pour réduire la charge initiale et sécuriser la rentabilité long terme.
- Coordination multi-acteurs : intégrer armateurs, gestionnaires de réseau et autorités portuaires dès la phase projet pour fluidifier la mise en service.
Ces éléments doivent guider les directions industrielles et financières qui planifient des investissements similaires, en Normandie ou ailleurs.
Ouverture : les usages futurs et innovations attendues
Au-delà de l’alimentation à quai, les ports travaillent sur des dispositifs complémentaires : stockage d’énergie à batterie pour gérer les pointes, utilisation d’énergies renouvelables locales pour réduire l’empreinte carbone de l’alimentation, et facturations dynamiques pour optimiser le coût pour les compagnies. Les technologies étendues (microgrids, smart charging) pourraient réduire la facture énergétique globale et améliorer la résilience des services portuaires.
La réussite de la connexion électrique navire Le Havre montre que la transition est techniquement réalisable. La question centrale reste désormais économique : comment amortir ces infrastructures et encourager l’usage régulier par les compagnies pour maximiser les bénéfices environnementaux et locaux.






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