Terminal portuaire et pipeline GOCO2 à Montoir‑de‑Bretagne, vue d’ensemble au crépuscule, opérateurs et véhicules sur le quai
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Captation et stockage de CO2 : où en est le méga‑projet qui mobilise la Bretagne ?

Captation et stockage de CO2 : le méga‑projet dit GOCO2, qui fédère cimentiers, chaufourniers et opérateurs logistiques de l’Ouest, a franchi des étapes récentes de concertation et de consolidation technique. Pour les industriels bretons, l’enjeu est double : réduire des émissions significatives et sécuriser des filières locales autour du transport et de la logistique du carbone.

Un projet structurant : périmètre et ambition

Le projet vise à capter les émissions de plusieurs sites industriels de la façade ouest, à les transporter par pipeline vers un terminal de liquéfaction à Montoir‑de‑Bretagne, puis à les exporter pour stockage géologique. Les maîtres d’ouvrage rassemblent des cimentiers (Heidelberg Materials, Lafarge), des producteurs de chaux (Lhoist), des opérateurs de transport et d’export (Elengy, NaTran) et des partenaires logistiques. Selon le dossier public de concertation, le volume attendu se situe entre 2,2 et 2,6 millions de tonnes de CO2 par an une fois la capacité pleine déployée (horizon 2030–2033).

Où en est la concertation et le calendrier ?

La concertation publique organisée entre 29 septembre et 19 décembre 2025 par la CNDP a permis de présenter le tracé des infrastructures, les études d’impacts et les scénarios d’exploitation. La CNDP a validé le dossier initial en juillet 2025, ouvrant la phase d’information détaillée et des ateliers territoriaux organisés en novembre‑décembre 2025. Pour consulter le dossier complet et les documents de la concertation, la plateforme officielle du projet publie les éléments techniques et les comptes rendus : dossier de concertation GOCO2.

Étapes prévues

  • Phase d’ingénierie et tests : 2026–2028
  • Travaux de réseaux et du terminal : 2028–2030
  • Mise en service progressive et montée en capacité : 2030–2033

Cartographie des sites bretons et influence régionale

Bien que les émetteurs principaux annoncés proviennent des régions Pays de la Loire et Grand Ouest (Mayenne, Deux‑Sèvres), la Bretagne est concernée sur plusieurs plans : mobilité des barges et navires, plateformes logistiques, sous‑traitance industrielle et potentialités de valorisation du CO2 (e‑carburants, industries agroalimentaires). Les acteurs bretons sont invités à s’approprier les opportunités de marché liées au réseau logistique et aux services associés.

Technique : capture, transport, liquéfaction, stockage

La captation et stockage de CO2 repose sur quatre maillons : capture à la source (post‑combustion ou oxy‑combustion), traitement et compression, transport par pipeline et liquéfaction au terminal, puis export vers des sites de stockage géologique. Le tracé envisagé propose environ 330–375 km de canalisations enterrées pour relier les sites émetteurs au terminal de Montoir‑de‑Bretagne. Le terminal, géré par un opérateur comme Elengy, assurerait la liquéfaction et le chargement maritime du CO2.

Risques techniques et solutions

Les risques identifiés incluent la rupture de réseau, la corrosion, et l’acceptabilité locale des tracés. Les études de sécurité préconisent : contrôles non destructifs réguliers, double gaine sur sections sensibles, et corridors d’accès pour interventions rapides. Les maîtres d’ouvrage ont annoncé des études complémentaires sur la surveillance permanente et la détection précoce des anomalies.

Financement et coûts : quels ordres de grandeur ?

Les estimations d’investissement circulant dans la presse et dans le dossier public situent l’enveloppe autour de 1,5–1,8 milliard d’euros selon l’architecture retenue (taille des canalisations, capacités du terminal, aménagements portuaires). Le montage financier combinera apports privés des industriels porteurs, subventions publiques (plans nationaux et fonds européens), et instruments de partage des risques. La reconnaissance du projet au niveau national et européen demeure un élément clé pour mobiliser des aides publiques.

Impact économique pour la Bretagne

Pour la Bretagne, les retombées se concentrent sur la logistique portuaire, l’ingénierie, la maintenance industrielle et les services associés. Quelques chiffres‑clés attendus : création potentielle de plusieurs centaines d’emplois directs pendant la phase travaux (estimations de 500–1 200 postes selon scénario) et d’emplois pérennes pour l’exploitation (centaines d’emplois pour la maintenance, la surveillance et la logistique). Les acteurs bretons peuvent candidater aux marchés de génie civil, de préfabrication et de services maritimes.

Effets sur la filière énergie et carburants synthétiques

La disponibilité de CO2 liquide exportable ou utilisable localement ouvre la porte à des projets d’énergies synthétiques et d’e‑carburants. Des initiatives comme Take Kair (proposition d’e‑carburants) pourraient trouver un approvisionnement en CO2 plus stable si des accords de distribution locale sont conclus. La captation et stockage de CO2 devient ainsi un levier pour la réindustrialisation et la diversification énergétique régionale.

Acceptabilité locale et enjeux environnementaux

Les ateliers de concertation ont révélé des préoccupations autour des tracés, des servitudes foncières et de l’impact sur l’agriculture et les zones humides. Les collectivités demandent des garanties sur la sécurité, des modalités de réparation foncière et une visibilité sur les servitudes durables. Les soutiens locaux mettent en avant les bénéfices climatiques — réduction d’émissions industrielles — tandis que les opposants pointent les risques et la nécessité d’une stratégie plus large de décarbonation.

Régulation, autorisations et financement public

Le projet suit un chemin réglementaire balisé : études d’impact, enquête publique, autorisations environnementales, puis dossiers d’autorisation de travaux et d’exploitation. La décision de la CNDP (dossier validé en juillet 2025) ouvre la voie à ces démarches. Des financements européens (fonds de transition juste, mécanismes de soutien à la capture et stockage) sont recherchés pour alléger la charge initiale des industriels. Pour consulter la décision CNDP : texte officiel CNDP.

Que doivent attendre les industriels bretons ?

Les directeurs industriels bretons doivent se préparer à trois axes d’action : identifier des opportunités de sous‑traitance, sécuriser des compétences métiers (soudure, contrôle non destructif, maintenance d’installations cryogéniques), et anticiper des partenariats pour la valorisation du CO2. La participation aux ateliers territoriaux est une étape recommandée pour peser sur les tracés et les modalités d’accès aux marchés.

Recommandations pratiques

  1. Se rapprocher des donneurs d’ordre (Elengy, NaTran) pour positionnement commercial.
  2. Evaluer les capacités internes et besoins en formation pour répondre aux appels d’offres.
  3. Consulter les documents de la concertation et déposer des observations durant la période publique : article Ouest‑France récapitulatif.

Risques à surveiller pour ne pas compromettre l’utilité climatique

Plusieurs conditions doivent être respectées pour que la captation et stockage de CO2 ait un impact climatique réel : intégrité des stockages géologiques (contrôles de fuite), cycle complet garanti (pas de fuites lors du transport et du chargement), et priorisation de la réduction à la source. Les experts insistent sur la nécessité d’un cadre de suivi indépendant et de données publiques accessibles.

Prochaines dates et points de vigilance

Après la fin de la concertation (19 décembre 2025), sont attendues les étapes d’analyse des retours, la finalisation du dossier d’autorisation environnementale, puis les appels d’offres pour les phases d’ingénierie. Les industriels bretons et leurs représentants territoriaux doivent suivre de près les procédures d’enquête publique et les décrets d’autorisation qui précéderont les travaux.

Ouverture : vers une stratégie régionale intégrée

Le projet GOCO2 crée une opportunité pour la Bretagne de s’inscrire dans une chaîne de valeur européenne de décarbonation industrielle. Au‑delà du simple transit de CO2, il s’agit d’explorer des synergies : production d’e‑carburants, verdissement des intrants industriels, et développement d’un pôle d’expertise sur la gestion des fluides cryogéniques. Pour les décideurs locaux, l’enjeu sera d’articuler ces opportunités avec la transition énergétique régionale et les ambitions d’emplois industriels qualifiés.

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