La plateforme chimique de Roussillon se trouve au cœur d’un mouvement d’investissements massifs visant à répondre à une conjoncture industrielle tendue et aux enjeux de souveraineté. Entre relocalisation pharmaceutique, chimie biosourcée et projets d’e‑molécules bas‑carbone, la vallée du Rhône voit converger plusieurs programmes industriels majeurs. Les décisions récentes fixent des calendriers précis : mise en service industrielle de la production de paracétamol fin 2026 et commercialisation prévue en 2027 pour certains acteurs, tandis que d’autres démonstrateurs et usines pilotes devraient entrer en exploitation entre 2026 et 2028.
Chapo : une stratégie multi‑projets pour contrer la crise
Face à la pression concurrentielle internationale et à des perturbations d’approvisionnement répétées, la plateforme chimique de Roussillon met en œuvre une stratégie d’attraction d’investissements structurants. L’objectif est double : sécuriser des productions stratégiques et décliner une trajectoire de décarbonation pour rendre les nouvelles unités compétitives sur le long terme.
Les projets structurants en cours
Plusieurs initiatives récentes portent l’essentiel de l’attention des acteurs locaux et nationaux. Elles couvrent la pharmacie, la chimie verte et les carburants/molécules de synthèse bas‑carbone.
Seqens : relocalisation de la production de paracétamol
Seqens a confirmé l’avancement des travaux pour une nouvelle unité dédiée au paracétamol sur la plateforme. La capacité visée atteint jusqu’à 15 000 tonnes par an, avec une mise en route industrielle programmée pour la fin 2026 et une montée en charge commerciale en 2027. L’investissement global est évalué entre 100 et 120 millions d’euros, soutenu par des dispositifs de relocalisation et des aides publiques. Pour plus de détails sur l’annonce officielle, consultez le communiqué de Seqens : communiqué de Seqens sur le paracétamol.
Michelin ResiCare : démonstrateur 5‑HMF et chimie biosourcée
Sur la même plateforme, Michelin (via sa filiale ResiCare) déploie un démonstrateur industriel pour la production de 5‑HMF, intermédiaire clé de la chimie biosourcée. Le projet vise une capacité d’environ 3 000 t/an, un investissement de l’ordre de 60 millions d’euros et la création d’une trentaine d’emplois directs. Ce démonstrateur est présenté comme une étape vers une montée en échelle qui permettrait de remplacer progressivement des molécules d’origine fossile par des alternatives biosourcées. Un dossier de presse et des éléments techniques sont disponibles ici : Michelin ResiCare investit 60 M€.
Elyse Energy et le projet eM‑Rhône : e‑méthanol à grande échelle
Un autre dossier structurant est celui des e‑molécules. Le projet eM‑Rhône porté par Elyse Energy vise la production d’e‑méthanol avec des ambitions importantes : une capacité cible autour de 150 000 t/an et un ordre de grandeur d’investissement évalué à ~700 millions d’euros. Ce type d’usine nécessite des apports massifs d’hydrogène bas‑carbone (via électrolyse) et la gestion de flux de CO2 captés ou réutilisés. Le projet reste en phase de montage financier et d’études de faisabilité ; documentation et positionnement public sont consultables sur le site du porteur : projet eM‑Rhône par Elyse Energy.
Quels chiffres pour la plateforme aujourd’hui ?
La concentration d’acteurs et la mutualisation des utilités rendent la plateforme attractive. Quelques repères chiffrés :
- 15 000 t/an : capacité annoncée pour l’unité Seqens de paracétamol.
- 3 000 t/an : capacité du démonstrateur 5‑HMF de Michelin ResiCare.
- 150 000 t/an (objectif) : dimension ciblée pour l’e‑méthanol d’Elyse Energy.
- 100–120 M€ : estimation de l’investissement Seqens pour le paracétamol.
- 60 M€ : montant annoncé pour le démonstrateur biosourcé de Michelin ResiCare.
Financements publics‑privés et dispositifs de soutien
Les dossiers mobilisent un mix de financements : capitaux privés, prêts bancaires, aides publiques nationales et européennes. Les projets de relocalisation pharmaceutique ont souvent bénéficié de dispositifs liés à France 2030 ou de soutiens de l’ADEME pour les volets décarbonation. Les porteurs évoquent régulièrement des montages complexes destinés à compenser les surcoûts initiaux liés à l’équipement bas‑carbone et aux procédés continus.
Impact économique et emploi local
À court terme, les investissements renforcent l’activité sur la plateforme et les sous‑traitants régionaux (équipements, maintenance, ingénierie). Les estimations fournies par les porteurs évoquent la création directe de dizaines d’emplois par démonstrateur et plusieurs centaines d’emplois indirects sur la chaîne de valeur en cas de montée en échelle. Pour la collectivité, ces projets représentent une opportunité de diversification et de stabilisation d’une vocation industrielle centenaire.
Enjeux environnementaux et stratégie de décarbonation
La décarbonation est un axe central des nouvelles implantations. Les sujets techniques prioritaires sont :
- la fourniture de vapeur et d’électricité décarbonées mutualisées ;
- l’intégration d’électrolyseurs pour l’hydrogène bas‑carbone ;
- le captage et l’utilisation du CO2 (CCU) pour la synthèse d’e‑molécules ;
- la valorisation des matières premières biosourcées et la réduction des déchets.
Le GIE qui pilote la plateforme met en avant la mutualisation des utilités comme levier pour diminuer les émissions et réduire les coûts opérationnels. Pour les acteurs, la disponibilité d’un écosystème bas‑carbone est un argument décisif d’attractivité : voir les actions et priorités du GIE OSIRIS GIE OSIRIS.
Risques, contraintes et questions ouvertes
Malgré ces perspectives, plusieurs points de vigilance demeurent :
- la sécurisation des chaînes d’approvisionnement pour les matières premières ;
- le calibrage des aides publiques pour assurer une compétitivité durable face aux producteurs étrangers ;
- les délais administratifs et d’autorisation environnementale, parfois longs pour des projets de grande échelle ;
- la gestion des risques industriels et l’acceptabilité locale (sécurité, transports, calendrier des travaux).
Rôle de la région et articulation avec les politiques nationales
Les autorités régionales et nationales jouent un rôle d’accompagnement stratégique : facilitation des permis, appui à la formation et mobilisation des dispositifs d’aides. La trajectoire générale s’inscrit dans les priorités de souveraineté industrielle et de transition énergétique portées par l’État, mais elle nécessite une coordination territoriale renforcée pour maximiser l’impact économique et écologique.
Perspectives pour la plateforme et la filière régionale
À l’horizon 2026‑2028, la plateforme chimique de Roussillon pourrait devenir un pôle exemplaire de relocalisation et d’industrialisation bas‑carbone si les calendriers sont tenus. Les jalons à surveiller dans les prochains mois sont : l’achèvement des travaux Seqens, la mise en service du démonstrateur Michelin ResiCare, et les décisions de financement pour eM‑Rhône. Le succès de ces opérations dépendra de la capacité des acteurs à articuler compétitivité, décarbonation et innovation industrielle.
Pour un suivi approfondi des annonces et du calendrier opérationnel, l’article initial publié localement propose un panorama des décisions récentes : reportage Le Dauphiné sur la plateforme chimique.
Point de vigilance stratégique
Au‑delà des montants et des capacités, la clé réside dans la coordination des calendriers, la sécurisation des flux énergétiques bas‑carbone et la capacité à transformer des démonstrateurs en unités industrielles viables. Les prochains trimestres seront déterminants pour confirmer la trajectoire de relocalisation industrielle sur la plateforme.






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