Ruptures conventionnelles : depuis 2020, environ 2 300 ruptures conventionnelles ont été signées dans la fonction publique de l’État, pour un coût moyen estimé à 46 millions d’euros par an. Ce premier constat pose d’emblée la question des usages, des coûts et des impacts opérationnels pour les directions des ressources humaines, et plus particulièrement pour les DRH du Grand Est confrontés à des structures hospitalières, éducatives et administratives fortement sollicitées.
Un panorama national aux conséquences locales
Au plan national, la montée des ruptures conventionnelles dans le secteur privé a été spectaculaire : en 2024, près de 515 000 ruptures conventionnelles individuelles ont été enregistrées, entraînant environ 9,4 milliards d’euros d’allocations chômage (source Unédic). Cette dynamique a poussé le gouvernement à examiner de près la diffusion du dispositif dans la fonction publique expérimentale (2020-2025) et à proposer des ajustements réglementaires et budgétaires.
Pour la fonction publique d’État, les chiffres sont plus contenus mais significatifs : 2 300 cas depuis 2020 représentent une réalité diverse — mobilités choisies, fins de carrière anticipées, départs sollicités pour raisons professionnelles ou personnelles — qui ne se laisse pas réduire à un seul profil. La fiscalité et la contribution sociale associée à ces départs pèsent désormais dans les débats budgétaires (PLF/PLFSS 2026).
Les décisions et propositions récentes
Fin 2025, plusieurs initiatives législatives et techniques ont relancé le débat : un amendement sénatorial déposé en séance le 10 décembre 2025 vise à pérenniser la possibilité de recourir à la rupture conventionnelle pour les fonctionnaires de l’État. Parallèlement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2026) intègre des pistes de hausse de la contribution patronale sur les indemnités de rupture, visant à limiter l’effet d’aubaine et à rééquilibrer les comptes sociaux.
Les partenaires sociaux, sollicités par l’exécutif, doivent également travailler sur des mesures « techniques » : modulation du différé spécifique, plafonnement partiel des indemnités ouvrant droit à allocation, ou encore renforcement des contrôles de bon usage. Ces options visent à réduire l’impact budgétaire perçu des départs « négociés » tout en préservant un recours encadré pour les situations légitimes.
Typologies de situations observées
Les cas observés dans la fonction publique de l’État couvrent plusieurs situations distinctes :
- Départs vers la vie privée ou reconversion : agents souhaitant se lancer dans un projet entrepreneurial ou une reconversion professionnelle.
- Mobilité géographique ou familiale : opportunité de départ amiable lorsque le repositionnement interne est impossible.
- Fin de carrière anticipée : mécanisme utilisé parfois pour des retraités anticipés ou une sortie négociée.
- Cas sensibles : agents en situation de souffrance au travail ou post‑conflit relationnel, souvent gérés par un accord amiable évitant un contentieux long.
Ces profils ont des implications RH concrètes : remplacement, transferts de compétences, plans de succession et coûts de recrutement. Dans le Grand Est, où les structures hospitalières et éducatives emploient un important vivier d’agents publics, la gestion opérationnelle des sorties est cruciale.
Impacts concrets pour les DRH du Grand Est
Pour les services RH régionaux, les enjeux se déclinent en trois axes principaux :
- Financier : la hausse possible de la contribution patronale et le coût direct des indemnités pèsent sur les budgets locaux. Un départ « négocié » peut représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros hors coûts indirects (recrutement, formation).
- Opérationnel : difficulté à remplacer rapidement des postes clés, sous‑effectifs temporaires, et surcharge de travail pour les équipes restantes. Les secteurs à forts besoins de qualification (santé, enseignement) sont particulièrement exposés.
- Social : perception du dispositif par les agents et les organisations syndicales, risque de tension si le recours au départ négocié est jugé injuste ou mal encadré.
Les DRH doivent intégrer ces dimensions dans leurs politiques de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), en liant chaque départ à un plan de remplacement ou à des mesures d’accompagnement (recrutement, formation, mobilité interne).
Cas pratique : un hôpital régional
Dans un centre hospitalier du Grand Est, une succession de trois ruptures conventionnelles sur un même service en un semestre a entraîné un surcoût direct estimé à +120 000 € (indemnités + intérim). Les conséquences opérationnelles ont conduit la direction à renforcer la planification des remplacements, à prioriser la formation interne et à engager un dialogue social sur la transparence des procédures.
Risques de substitution et scénarios d’évolution
Les mesures envisagées au plan national (plafond, différé, contribution) peuvent générer des effets de substitution : augmentation des démissions non indemnisées, recours accru au licenciement contentieux, ou allongement des parcours professionnels informels. Pour les DRH, cela implique de maintenir des observatoires locaux et des tableaux de bord pour suivre les motifs de départ, la longueur des procédures et les coûts associés.
Recommandations opérationnelles pour les DRH en Grand Est
Voici des actions concrètes à envisager pour limiter les risques et optimiser la gestion des départs :
- Audit préventif : cartographier les postes à risque et simuler l’impact financier de différents scénarios de départ.
- Plan de succession : construire des viviers internes et des parcours de mobilité anticipée pour éviter les ruptures subites de compétences.
- Renforcement de l’accompagnement : dispositifs de reclassement, formation continue et appui à la reconversion pour réduire la pression sur les indemnités.
- Dialogue social transparent : informer les représentants du personnel des critères retenus et des impacts budgétaires pour limiter les tensions.
- Suivi statistique : mettre en place des indicateurs locaux (motifs, coûts, délais de remplacement) pour alimenter la décision stratégique.
Cadres juridiques et fiscalité à surveiller
Deux points juridiques et fiscaux doivent être surveillés de près : d’une part, la possible pérennisation légale de la rupture conventionnelle dans la fonction publique entraînera des obligations de traçabilité et de contrôle ; d’autre part, la hausse de la contribution patronale proposée dans le PLFSS 2026 pourrait augmenter le coût réel des départs amiables.
Les DRH doivent garder un lien étroit avec les services centraux et les directions financières pour modéliser l’impact budgétaire et ajuster les stratégies d’emploi en conséquence.
Liens utiles et ressources
Pour approfondir les données et les textes de référence, les DRH peuvent consulter :
- Analyse locale publiée par les Dernières Nouvelles d’Alsace.
- Données et synthèses sur l’assurance chômage (Unédic).
- Dossiers législatifs et amendements concernant le PLF 2026 (Sénat).
Voies d’action pour les DRH du Grand Est
À court terme, les directions RH doivent prioriser la prévention et la planification : audit des postes sensibles, renforcement des parcours internes et mise en place d’indicateurs précis. À moyen terme, il faudra intégrer les éventuelles mesures nationales (plafonds, contributions) dans les simulations budgétaires et adapter la politique de recrutement. Enfin, le dialogue social restera central pour arbitrer entre contrôle budgétaire et protection des parcours individuels.
Pour les DRH du Grand Est, l’enjeu est double : maîtriser les coûts et préserver la continuité de service dans des secteurs déjà fragilisés. Une approche proactive, fondée sur la donnée et la concertation, permet de transformer une contrainte budgétaire en une opportunité de modernisation des pratiques RH.






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