HAROPA Port – MSC Poesia connecté à quai au Havre, techniciens branchant le câble électrique

Développement économique. Pourquoi les entreprises normandes s’intéressent à la décarbonation des escales portuaires

escales croisières zéro émission : HAROPA Port a réalisé la première connexion électrique d’un paquebot au quai de la Pointe de Floride, une avancée technique et symbolique pour la région Normandie et pour les directions financières et administratives des entreprises concernées par la transition énergétique.

Une opération technique majeure et rapidement opérationnelle

Le 30 octobre 2025, le MSC Poesia a été raccordé au réseau électrique à quai sur le quai Pierre Callet à la Pointe de Floride. Cette opération marque la mise en service de la première tranche du projet RENAQ (Raccordement Électrique des Navires À Quai) porté par HAROPA PORT. Le programme représente un investissement public-privé d’environ 32 M€ et installe des infrastructures haute tension, des postes de conversion et des systèmes de gestion de câbles adaptés aux mouvements de marée.

Sur le plan technique, le dispositif inclut près de 3 km de câbles enterrés en 20 kV, des cellules de conversion et des véhicules Cable Management System (CMS) pour sécuriser et automatiser le branchement. La puissance installée vise, à terme, une capacité cumulée aux quais concernés proche de 30 MW, soit l’équivalent de la consommation de plusieurs milliers de logements.

Les enjeux pour les entreprises normandes

Pour un directeur financier ou administratif, la connexion électrique à quai modifie plusieurs paramètres : structure des coûts d’escale, exposition aux risques réglementaires, image RSE et acceptabilité locale. En pratique, l’arrêt des groupes électrogènes diesel des navires permet de réduire les consommations de carburant fossile, d’abaisser les coûts liés aux taxes carbone futures et de diminuer les dépenses liées aux nuisances (réclamations, arrêts temporaires d’exploitation locales).

Sur le plan de la conformité, les entreprises doivent intégrer ces évolutions dans leurs prévisions : optimisation des calendriers d’escale, négociation de clauses de cofinancement des raccordements, et anticipation des besoins électriques pour des services embarqués (climatisation, maintenances techniques, approvisionnements). L’arrivée du « shore power » favorise aussi la création de contrats d’approvisionnement d’électricité bas carbone, un facteur clé pour les achats responsables.

Impacts financiers directs et indirects

Les impacts mesurables à court et moyen terme comprennent :

  • Réduction des coûts carburant du navire pendant l’escale (arrêt des groupes diesel) ;
  • Possibilité de premium tarifaire pour les ports proposant une escale « zéro émission », attractif pour des compagnies engagées sur l’écoresponsabilité ;
  • Réduction des risques réglementaires liés à des normes locales ou européennes plus strictes sur la qualité de l’air ;
  • Meilleure acceptation locale via diminution du bruit et des particules, réduisant les coûts potentiels d’opposition citoyenne ou contentieux.

Chiffres et gains attendus pour la Normandie

HAROPA et ses partenaires estiment que la généralisation de la connexion électrique sur les quais dédiés aux croisières permettra d’éviter entre 15 000 et 20 000 tonnes de CO₂ par an lorsque l’ensemble des quais concernés sera équipé. À l’échelle locale, la réduction des émissions de particules fines et des oxydes d’azote améliore la qualité de l’air pour les riverains et le personnel portuaire.

La capacité électrique prévue (jusqu’à 30 MW) donne une idée de l’échelle : pour un paquebot type, le raccordement peut représenter plusieurs mégawatts durant l’escale, soit des besoins comparables à ceux d’un parc résidentiel important. Ces chiffres servent aussi de base pour calculer des économies potentielles sur les consommations de carburant et pour modéliser le retour sur investissement des infrastructures.

Acteurs publics et privés : un montage financier mixte

Le financement du projet combine des fonds publics et l’apport du port. Parmi les contributeurs mentionnés figurent des enveloppes issues du plan France Relance et du CPIER 2023-2027, ainsi que le budget propre de HAROPA PORT. Cette logique de cofinancement facilite la montée en charge rapide du dispositif et réduit le recours exclusif aux budgets opérationnels des compagnies maritimes.

Du côté industriel, des intégrateurs et opérateurs nationaux — dont VINCI Énergies/Actemium et ENEDIS — sont mobilisés pour la pose des réseaux et le raccordement au réseau public. Les compagnies maritimes, comme MSC Cruises, participent aux phases de test et valident les procédures opérationnelles.

Calendrier et perspectives d’extension

La première tranche opérationnelle (quai Pierre Callet) est déjà active depuis la fin octobre 2025. Les étapes suivantes prévoient l’équipement des quais Roger Meunier et Joannes Couvert en 2026, pour couvrir l’intégralité du pôle croisière de la Pointe de Floride. L’objectif est d’atteindre un fonctionnement régulier pendant la saison de croisière 2026, avec plusieurs navires connectés de façon récurrente.

À moyen terme, HAROPA évoque la possibilité d’étendre le principe à d’autres escales du port et de favoriser l’interopérabilité technique afin que différents types de navires puissent se raccorder sans modifications majeures. L’harmonisation des standards techniques et tarifaires entre ports devient alors un enjeu pour faciliter l’adoption par les compagnies.

Conséquences pour la logistique portuaire et la filière industrielle régionale

La disponibilité de « shore power » transforme les processus logistiques : coordination d’horaires, gestion des flux électriques, contrats d’énergie et maintenance des équipements à quai. Ces évolutions créeront une demande nouvelle en compétences locales (électriciens haute tension, techniciens CMS, ingénieurs de conversion) et stimuleront la filière régionale des services énergétiques.

Pour les fournisseurs et prestataires normands, la montée en puissance des infrastructures représente une opportunité commerciale : fourniture de matériels, prestations d’installation et maintenance, et développement de solutions d’efficacité énergétique dédiées aux ports. Les entreprises régionales peuvent ainsi prétendre à des marchés de services récurrents d’entretien et d’exploitation.

Effet d’entraînement sur la transition énergétique locale

La mise en service d’un réseau électrique à quai peut favoriser des synergies avec d’autres projets bas carbone — stockage d’énergie, production renouvelable locale, optimisation des charges via des smart-grids. La capacité à intégrer des sources d’énergie faiblement carbonées renforcera l’idée d’un corridor maritime et portuaire bas carbone, bénéfique pour l’attractivité industrielle de la Normandie.

Risques et freins à anticiper

Plusieurs points de vigilance s’imposent :

  • Coûts initiaux élevés : capex significatif à amortir sur plusieurs années ;
  • Coordination multi-acteurs nécessaire entre port, gestionnaire réseau, compagnies et autorités ;
  • Pertinence économique dépendante du taux d’utilisation : faibles connexions entraîneraient un allongement du retour sur investissement ;
  • Approvisionnement électrique : nécessité de garantir une électricité bas carbone pour que l’impact environnemental soit réel.

Cas pratique : ce que doivent savoir les directions financières

Pour une direction financière, la prise en compte opérationnelle se traduit par :

  1. Évaluation des économies carburant envisageables par escale et projection sur 3 à 7 ans ;
  2. Analyse des modalités contractuelles proposées par le port (tarification du kWh, frais de raccordement, maintenance) ;
  3. Intégration des scénarios réglementaires (taxe carbone, contraintes locales) dans le business plan ;
  4. Étude d’opportunité pour investir dans des solutions partagées entre compagnies (mutualisation des coûts d’adaptation) ;
  5. Anticipation des obligations de reporting RSE et valorisation des gains en émissions évitées.

Ressources et lectures complémentaires

Pour approfondir les aspects techniques et institutionnels, consulter le dossier officiel d’HAROPA sur la mise en service et les objectifs du projet : mise en service RENAQ par HAROPA. Un compte rendu de terrain et d’analyse économique est également disponible via la CCI Normandie : article Normandinamik.

Perspectives pour l’écosystème normand

L’ouverture de la première connexion électrique au Havre est une étape concrète qui illustre la transformation des modèles d’escale. Pour les acteurs économiques normands, il s’agit d’un signal fort : la transition portuaire crée des marchés d’activités techniques, des opportunités d’optimisation des coûts et des impératifs nouveaux pour la gouvernance des entreprises. À court terme, la clé sera la montée en charge des connexions et la stabilisation des coûts unitaires ; à plus long terme, l’intégration d’énergies renouvelables et de solutions de stockage renforcera l’effet environnemental et économique.

Vers de nouvelles opportunités de coopération régionale

Au-delà du Havre, la généralisation du modèle de raccordement pourrait encourager des coopérations inter-ports, la standardisation des interfaces techniques et la création d’offres commerciales communes. Pour les directions administratives et financières, l’enjeu est aussi de savoir saisir des instruments de financement public-privé et de positionner leur entreprise sur des services portuaires basés sur l’électricité.

Prochaines étapes opérationnelles à suivre

Suivez l’évolution du calendrier d’équipement des quais (Roger Meunier et Joannes Couvert en 2026), les retours d’expérience des premières escales branchées et les annonces tarifaires des ports. Ces informations seront déterminantes pour ajuster les stratégies d’approvisionnement énergétique et les modèles économiques des escales. Pour un suivi régulier, les communiqués officiels de HAROPA et les notes techniques de compagnie sont des sources à surveiller.

À lire ensuite : pour un dossier technique plus détaillé sur les spécifications électriques et les modalités de raccordement, consultez les fiches techniques publiées par les intégrateurs et gestionnaires de réseau cités ci-dessus.

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