Piquet de grève devant l'usine Teisseire à Crolles, salariés mobilisés

Teisseire (Isère) : face à la fermeture, politiciens et salariés dénoncent le « pillage » industriel

Fermeture Teisseire Isère : l’annonce de la cessation d’activité programmée du site de Crolles a déclenché une mobilisation politique et sociale forte. Les salariés, syndicats et élus locaux réclament des explications sur les flux financiers et demandent l’intervention de l’État pour empêcher ce qu’ils qualifient de « pillage » industriel. Le dossier intervient dans un contexte régional tendu : selon Allianz Trade, les défaillances d’entreprises en Auvergne‑Rhône‑Alpes ont augmenté de 14 % au 3e trimestre 2025, une donnée qui pèse sur la compétitivité et l’emploi.

Chronologie et périmètre du dossier

La direction a annoncé la fermeture du site de fabrication Teisseire à Crolles avec une disparition programmée de la production locale si aucun repreneur n’est trouvé d’ici au printemps 2026. Le plan de suppression d’emplois menace 205 postes. Les salariés ont engagé un mouvement, avec un piquet installé depuis le 9 octobre 2025 et des actions publiques récurrentes.

Sur le plan politique, la visite de François Ruffin le 20 novembre 2025 a cristallisé l’attention. Avec Laurence Ruffin, il a dénoncé les « pilleurs en costume » et accusé l’État qui laisse faire, appelant à une réaction administrative et juridique. Le député a par la suite déposé une question écrite publiée le 25 novembre 2025 à l’Assemblée nationale et lancé une pétition publique le 27 novembre 2025 pour soutenir les salariés.

Arguments des salariés et des élus : finances et responsabilité

Les représentants des salariés et certains élus mettent en avant des données financières qui soulèvent des interrogations : ils mentionnent une variation de trésorerie et des mouvements comptables entre 2024 et 2025 évoquant une disparition apparente d’environ 144 M€ (passage d’un solde positif à un solde négatif selon des éléments cités en questions parlementaires). Ces éléments sont contestés et font l’objet de demandes d’éclaircissements.

Les syndicats réclament la transparence sur les décisions du groupe propriétaire et demandent que l’administration vérifie la conformité des arbitrages financiers avec l’objectif de sauvegarde des emplois et du patrimoine industriel local.

Cadre légal : que peut faire l’État ?

Plusieurs voies juridiques sont évoquées par les parties : suspension ou refus d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) au titre du contrôle administratif, examen des pratiques de mobilité/cessation d’actifs et renforcement des mesures d’accompagnement des salariés. Les élus locaux demandent explicitement au gouvernement d’envisager ces recours pour contraindre l’entreprise à rechercher un repreneur ou à mieux protéger l’emploi.

Le recours au refus d’homologation reste exceptionnel mais possible si l’administration estime que le PSE ne respecte pas les obligations légales ou s’il existe des manquements significatifs dans la conduite du projet de fermeture.

Contexte régional : hausse des défaillances et poids sur l’industrie

Le dossier Teisseire s’inscrit dans une période morose pour la région. Le communiqué d’Allianz Trade du 24 octobre 2025 indique 1 781 défaillances au 3e trimestre 2025 en Auvergne‑Rhône‑Alpes, soit +14 % par rapport à la même période l’an passé. Les départements les plus touchés sont le Rhône (523 cas), l’Isère (297) et la Loire (152). En France, Allianz Trade anticipe environ 67 500 défaillances sur l’ensemble de 2025.

Cette dynamique traduit une détérioration conjoncturelle dans plusieurs secteurs : services, construction et commerce concentrent ensemble près de 76 % des cas signalés par la plate‑forme d’analyse sectorielle. Pour l’industrie, la fragilité des chaines d’approvisionnement, les coûts énergétiques et les arbitrages internationaux pèsent sur la viabilité de certaines unités de production locales.

Impact direct sur la compétitivité locale

La fermeture d’un site historien de production, même de taille moyenne, a des effets en cascade : pertes d’externalités locales (sous‑traitance, logistique), diminution du tissu de compétences et perte de visibilité pour d’éventuels investisseurs. Les partenaires sociaux soulignent le risque de délitement du savoir‑faire régional, difficilement remédiable à court terme.

Scénarios de reprise et alternatives locales

Différentes pistes sont étudiées ou proposées par les acteurs locaux : recherche active de repreneurs industriels, transformation en coopérative d’activité (Scop), ou relocalisation partielle intégrant une production réduite sur place. Les élus plaident pour des solutions impliquant financement public‑privé, aides à la conversion et dispositifs de soutien à l’investissement industriel.

Des acteurs économiques locaux ont suggéré la mise en place d’un comité de suivi territorial associant préfecture, collectivités, représentants du personnel et investisseurs potentiels afin d’accélérer les diagnostics et rendre visible toute offre sérieuse de reprise.

Mobilisation et actions sur le terrain

Depuis octobre, la mobilisation se traduit par un piquet de grève, des rassemblements et des actions de communication. Une pétition portée par des personnalités politiques et un appel national visent à attirer l’attention sur le dossier. Parallèlement, des collectes et initiatives solidaires ont été lancées pour soutenir les salariés impactés.

La visite de François et Laurence Ruffin a permis d’amplifier la médiatisation du dossier, obligeant les acteurs institutionnels à se positionner publiquement et à accélérer certaines demandes d’explication adressées à la direction et aux administrations compétentes.

Conséquences économiques locales à moyen terme

Si la fermeture se confirme sans solution de reprise, l’Isère perdrait non seulement les emplois directs (205 postes menacés) mais aussi des emplois induits dans la sous‑traitance et les services. La disparition d’un site productif entraîne souvent une désaffection des fournisseurs locaux et une réduction des capacités de production régionales, ce qui peut fragiliser la compétitivité du tissu industriel sur un horizon de 3 à 5 ans.

Les collectivités locales cherchent à quantifier ces impacts pour monter des dossiers d’aide régionale ou solliciter des mesures nationales de reconversion et de reclassement.

Chiffres clés à retenir

  • 205 postes menacés sur le site de Crolles.
  • 9 octobre 2025 : début du piquet de grève local.
  • 20 novembre 2025 : visite de François Ruffin.
  • 24 octobre 2025 : Allianz Trade signale +14 % de défaillances en région.
  • 1 781 défaillances recensées au T3 2025 en Auvergne‑Rhône‑Alpes.

Que peuvent attendre les directeurs industriels et décideurs locaux ?

Pour un directeur industriel, ce dossier illustre plusieurs enseignements opérationnels et stratégiques. D’abord, l’importance de la transparence des décisions financières et la traçabilité des flux entre sites et holdings parentales. Ensuite, la nécessité d’anticiper les risques sociaux et de préserver les compétences par des stratégies de mutualisation ou d’alliances locales.

Enfin, la crise met en lumière l’intérêt d’un maillage territorial renforcé pour faciliter des solutions de reprise rapides : plateformes de mise en relation industrielles, fonds territoriaux d’investissement et incitations fiscales ciblées peuvent accélérer la réindustrialisation.

Ressources et documents publics

Pour approfondir le dossier et ses implications macro‑régionales, plusieurs documents sont disponibles : le communiqué d’Allianz Trade sur les défaillances (octobre 2025), le dossier de presse local couvrant la mobilisation à Crolles et la question écrite publiée par l’Assemblée nationale le 25/11/2025. Voir notamment le rapport d’Allianz Trade pour les données chiffrées et la question parlementaire pour la dimension politique.

Accès direct au communiqué Allianz Trade : analyse Allianz Trade T3 2025 ; pour la couverture locale de la mobilisation, lire le reportage de Place Gre’net (20/11/2025) ; la question écrite de l’Assemblée nationale est consultable ici : question publiée 25/11/2025.

Points d’action recommandés

Pour les acteurs territoriaux soucieux de préserver l’emploi industriel, quelques pistes prioritaires :

  • Demander la transparence financière et un audit indépendant des flux entre la filiale et le groupe.
  • Activer les dispositifs de recherche de repreneur via la préfecture et la Région.
  • Évaluer la faisabilité d’une Scop ou d’un montage coopératif soutenu par des fonds publics‑privés.
  • Préparer un plan d’accompagnement des salariés (reconversion, formation accélérée, reclassement).

Prolongements possibles

Au‑delà du cas Teisseire, la dynamique des défaillances observée par Allianz Trade renforce l’impératif d’une politique industrielle régionale proactive. Cela implique des mécanismes anticipés de surveillance des risques de désindustrialisation, des outils financiers adaptés au maintien de capacités productives et une coopération renforcée entre acteurs publics et privés pour capter des projets industriels de reconquête.

Pour aller plus loin

Suivre l’évolution des démarches administratives (décision d’homologation du PSE), la publication d’audits financiers indépendants et les éventuelles offres de reprise. Le dossier restera un indicateur clé de la capacité de la région à protéger ses filières industrielles face aux arbitrages internationaux.

Regards croisés et prochaines étapes

La réaction des pouvoirs publics et la capacité à structurer une offre crédible de reprise détermineront l’issue du dossier. Les prochains jalons à surveiller sont : la décision d’homologation du PSE, la remise d’un audit financier public, et l’éventuelle matérialisation d’un projet de reprise (privé ou coopératif). Pour les décideurs économiques, ce cas est un signal d’alarme sur la nécessité d’anticiper et d’organiser des réponses territoriales coordonnées face aux fermetures industrielles.

Extrait : l’affaire Teisseire en Isère illustre la conjonction d’un risque industriel local et d’une vague régionale de défaillances : l’enjeu est aujourd’hui de convertir médiation politique et actions publiques en solutions industrielles concrètes.

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